Où que tu sois petit frère
J’espère que tu reposes en paix
Que la terre t’est légère
Que tu es fier de tes ainés
Qui, malgré le poids de l’âge
La peine, le temps qui passe
Viennent te rendre hommage
Sur cette maudite place
Les Aygalades, maudit 4, chemins
Le début de notre djihad laïque et républicain
Pour ne pas basculer du coté obscur de l’âme humaine
Et des hyènes en croisades contre ceux qui ont le mauvais ADN
Comme chaque année, nos pensées, nos prières
En ce vingt et février de triste anniversaire
Vont vers toi et à tous ceux qui te sont chers
À tes amis, ta famille, en premier lieu ta mère
Dont la force et la sagesse
Malgré la perte de la chaire de sa chaire
Pour grave délit de faciès
Continue de nous tirer vers la lumière
Face aux provocations, aux délires identitaires
Aux insultes, aux fantasmes de la fachosphère
Pas un nouveau jour sans son complot fasciste
Son lot de blagues, de clichés, de propos racistes
Aux infos, dans les magazines ; les journaux
Aux restos, sur les réseaux sociaux
Le fléau se propage telle une métastase cancéreuse
Et chaque fafs y va de sa bave de rhétorique fumeuse
Son cortège d’odieuses polémiques
Son hystérie de Riposte Laïque
Sa théorie, sa plaisanterie douteuse
Sa Minute, son Point de vue et de buzz
En caricatures et dessins satyriques
En tweets sadiques ou en clics
Les chroniques islamophobes
Rivalisent en poubelles d’ignominies
Avec les éditos xénophobes
Au nom des Valeurs Actuelles de la patrie
Usent de slogans négrophobes
Pour mieux écouler leurs produits
L’intolérance ainsi que le profit
Justifient toutes les infamies
Les langues de vipères et de pubs se délient
Et ne craignent plus guère ni honte ni délit
Rêvent d’envoyer valser les lois
Qui les empêchent de dire tout haut
Le fond de leurs pensées de bistro
Sans se mettre à dos les antifas
Dorénavant on peut détruire des carrières et des vies
Assis derrière l’écran de son ordinateur
Cultiver le mépris et la haine d’autrui
Juste pour briser l’ennui et faire son beurre
L’horreur est bien humaine
Et ne connaît ni couleur, ni dieu, ni frontière, ni état
En Birmanie les maitres zen
La pratiquent entre deux mantras prières à Bouddha
En Libye, le bois d’ébène
Se monnaie au même prix qu’un cabri à Moroni
Au Maghreb, en Ukraine
On la traque sans merci comme dans un safari
Aux oubliettes la sacro-sainte bonne conscience
Ce poison qui nous affecte de bien-pensance
Au diable solidarité nationale, soutien aux migrants
De tels sentiments selon notre bon Ministre Colomb
« Risquent de faire appel d’air et de les enkyster
Pour avoir une grande humanité, il faut une grande fermeté »
Alors renvoyez-les à la mer vers leur famine, leur misère, leurs guerres
Même si pour bon nombre, ils fuient nos mines, nos fusils, nos bombes meurtrières
Déjà qu’on ne sait pas quoi faire de nos SDF
Et que nos secours populaires se font braquer comme la BDF
Bref, inutile de semer l’amour de son prochain
Désormais le monde n’a que de la haine à revendre
C’est comme se parfumer le corps avec du purin
Et les fous imbéciles qui jouent les Cassandre
Et refusent d'entendre et de comprendre,
Comme Cédric Hérou on les met à l’ombre
Rejoindre le rang des ennemis de l’État providence
Paradis des nantis de naissance et de la finance
Parmi la lie des contestataires
Des réfractaires à la pensée unique
Brulés en place publique
Après une bonne chasse aux sorcières
Les autres : les riens, les sans-dents, les handicapés, les petites retraites
C’est la diète à perpète et pension complète dans des EPHAD infectes
D’autant que laïcité et liberté d’expression
Permettent à tous les Praud et Grandes gueules de la planète
De lyncher sans modération à la télé, à la radio et sur internet
Les auteurs de délits d’opinion et de religion
Toute critique de la République laïque est interdite
Et plus encore toute idée de décoloniser les esprits
Celui qui s’y risque, on l’écarte du débat démocratique
Tandis que celui qui n’est pas Charlie doit se faire Harakiri
Alors imagine un peu Ibrahim
Avec nos têtes de suspects numéro un
Ce qu’on subit, ce qu’on endure
Comme affronts, comme injures
Il n’y a pas que dans les films
Qu’on nous prête le rôle du vaurien
Du mort pour rien sous les coups du vilain
Pour que vive le caucasien, le bon héros sur le déclin
Afin que ce dernier parte à la fin de la séance
Avec le gros butin et la belle femme blanche
Un scénario original
Toujours d’une banalité affligeante
Où pour triompher du mal
Et un point d’indice CAC 40
Le bien doit sacrifier des vies innocentes
Noirs et ou musulmans, en premier sur sa liste d’attente
Pour un dommage collatéral classé à la rubrique fait-divers
Une matraque dans le derrière
Qui n’est ni un viol ni une bavure policière
Car « Pas contraire aux règles de l’art » selon leurs experts
On voudrait nous faire perdre nos nerfs
Qu’on ne s’y prendrait pas autrement
Heureusement que notre serment à ta mère
Nous guide depuis aujourd’hui 23 ans
Je l’entends encore me dire comme si c’était hier
En ce 21 février 1995 lors de la veillée mortuaire :
« Va dire à tes frères et sœurs
De ne rien faire qui puisse salir la mémoire d’Ibrahim
Malgré la colère et la douleur
N’appelez pas à la haine, soyez forts, restez dignes »
Mbaé Tahamida Soly, le 21 févrie 2018
*Djihad ; souvent traduit à tort par « guerre sainte » ; veut dire en arabe « abnégation », effort, lutte ou résistance contre le mal pour tendre vers le bien ou le chemin de Dieu