Je n’ai plus les mots, p’tit Frère
Mes cris, mes SOS en échos me reviennent
Sans cesse comme de vaines prières
L’amer refrain d’une vieille rengaine
La mélodie d’amour d’une âme en peine
Dans un désert d’autistes aux visages pâles
Face aux discours de ceux qui clament la haine
Pour tout étendard et grand projet national
Une ancienne antienne aux airs de carême
Qui vous obsède l’esprit
Y sème violentes migraines, des idées malsaines
Et les graines de la folie
J’ai perdu la clef de ma boite à rimes
Celle qui m’ouvrait à la paix de l’âme
M’éloignait de l’abime lorsque la déprime
Me faisait du pied et du charme
Même mon stylo bille part à la dérive
Et déverse des flots de pensées morbides
A trop soigner ses maux à l’encre sédative
L’on croit trop que les mots éloignent du suicide
J’ai perdu la foi en ce monde fraternel
Qui berçait nos rêves d’enfants poètes
Félons, faux-culs, poltrons et faux prophètes
Ont teint de gris et de brun mon arc-en-ciel
20 ans qu’ils nous débitent leurs serments d’hypocrites
A chaque veille d’élection
En démago opportunistes, ça fait 20 ans qu’ils évitent
De prendre position
De froisser les fascistes
Qu’ils soient de leur camp ou de l’opposition
De vrais équilibristes
En matière d’opinion et d’engagement
Pompiers pyromanes aux principes élastiques
Ils gèrent leur carrière en bons pères de famille
Et promettent à qui veut le paradis laïc
Un pays béni où Dieu a les traits de Charlie
Honni soit celui qui du mal y pense ou l’offense
Tout impie est mis au pilori ou finit sur la potence
La lutte contre les discriminations sociales et raciales
Peut attendre la fin des temps pour devenir une cause nationale
Après tout nous sommes tous égaux sous le drapeau tricolore
Même si certains seront toujours des négros de la naissance à leur mort
Combien de décennies faut-il encore Pour qu’enfin Ibrahim
Cesse d’être un enfant des Comores Pour devenir un minot de la savine
Noir et musulman : double peine, double crime
De la mère Patrie tu seras l’éternel fils illégitime
Celui qui à chaque fois l’on montre du doigt
Et à qui l’opinion et les médias demandent
De faire son mea culpa pour tous les attentats
Perpétrés par des fadas dans le monde
Alors quelle idée absurde qu’une rue, un bâtiment
Ou même un sentier borgne qui porte ton nom
Toi le fils d’une femme de ménage d’origine comorienne
Et non celui d’un médecin issu de la bourgeoisie phocéenne
Non mais quelle folie de croire qu’à un enfant de la sous France
Marianne peut un jour confier les clés de sa maison blanche
Frère j’ai cessé de chanter le chant des partisans
Depuis que des cocos et des socialos ont viré fachos
Leurs bobos de rejetons des nazillons collabos
Séduisant des cathos gogaulistes par millions
L’international ne sera jamais le genre humain
Aujourd’hui les zigs heill résonnent dans tous les coins
A chaque scrutin, les mêmes coups de surin
Dans les plaies béantes de nos blessures d’enfance
Un front républicain pour le triomphe des aryens
La douce France de Pétain et son modèle de résistance
La bête immonde est de retour dans nos doux foyers
Et tous nos vieux mots d’amour ont pris des congés payés
Partis en fumée cette nuit d’hiver où les nazis
T’ont pris la vie, arraché à ta mère, à ta famille
Depuis, combien de frères et sœurs, combien d’amis
Ont perdu leur repaire, traumatisés à vie
Survivants d’une guerre contre l’oubli, l’indifférence
L’amnésie, l’intolérance, le mépris et le silence
Des hommes et des femmes de paix, debout
Qui ont su malgré tout rester dignes
Malgré les coups du sors et même parfois le dégoût
De voir combien les idées du FN fascinent
Après tant de crimes en série
Phillipe Brocard, Imad Bouhoud, Ibrahim Ali
Brahim Bouarram, Clément Meyric, Zahir Boudjelal… tous victimes
De la barbarie FN et de leurs hordes de skins
Dieu merci, sur tes amis tu peux compter
Ainsi que tes frères et sœurs en humanité
Pour que jamais ton souvenir ne s’efface
Pour toujours te garder dans leur cœur une place
Deux décennies que tu nous as quitté frérot
Et tu manques toujours autant à nos vies, Chibaco
Mbaé Tahamida Mohamed aka Soly
Marseille, 21/02/2015