Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

MT SOLY BLÖCK

MT SOLY BLÖCK

Bienvenu(e) dans mon Block ! Un modeste espace d'expression et de partage de mes écrits, mes pensées, mes images, mes délires... En espérant qu'ils feront échos aux vôtres ou nous permettent de partager quelques instants de fraternité. Pardonnez d'avance les humeurs et les divagations d'un esprit naïf et Solytaire. Voici mes mots et mes cris , mes écrits et mes maux. Bonne visite et à bientôt


Bahia, sauvée des eaux

Publié par Mbaé Tahamida Mohamed dit SOLY sur 10 Novembre 2019, 11:30am

Catégories : #Slam - Poésie

Bahia Bakari,  PHOTOPQR/LA PROVENCE/MAXPPP

Bahia Bakari, PHOTOPQR/LA PROVENCE/MAXPPP

Cent cinquante deux âmes sur ses épaules

De frêle jeune fille du miracle divin

Petit bout de femme accablée d’une auréole

Que se disputent les charognes et les requins

Soudain orpheline de mère, la voilà portée soudain

Au rang d’héroïne des temps philistins

Presse, info, télé, magazines

S’empressent sans vergogne

De dépêcher leurs barnums

Pour étaler ses blessures intimes,

Surpris par l’ironie d’un sort

Qui l’a épargné de la mort

Alors qu’elle a pris sans effort

Les corps d’hommes plus forts

Ce funeste trente juin de triste mémoire

Où le ventre de l’Océan indien l’a recrachée à la vie

Est-ce la main du destin ou bien celle du hasard

Qui l’a élue parmi les saints que Dieu a bénit

 

Ce matin de folle terreur après une nuit de tempête

Surpeuplée de squales insatiables dans sa tête

Dans cet étendu salé de kérosène écoeurant

Qui lui brûle la gorge, l’estomac, les poumons

Accrochée durant neuf interminables heures

À un débris providentiel de ce cercueil volant

Tenaillée par la soif, la faim, la fatigue, la peur

Cernée de cris d’épouvante, d’appels à l’aide déchirant

Lasse, elle s’endort comme une enfant de douze ans

En rêvant de retrouver au plus vite sa maman

Bercée par le bruit des vagues jusqu’aux aurores

À la merci des eaux gloutonnes des Comores

Au réveil, au loin une plage de Ngazidja elle aperçoit

Aussi son courage elle rassemble à deux mains

Pour essayer de la rejoindre ainsi que tous les siens

Sans doute déjà arrivés à son village de Niumadzaha

Dont Aziza sa mère qui doit mourir d’inquiétude

Mais la mer démontée ne lui laisse aucune latitude

Mr Kassim Bakari, ses filles et Ibrahim Mogni de l'Association des Familles de Victimes (AFVCA)

Mr Kassim Bakari, ses filles et Ibrahim Mogni de l'Association des Familles de Victimes (AFVCA)

Et chaque mouvement de son corps la transperce de douleur

Une impression d’être passée sous un rouleau compresseur

À plusieurs reprises, elle tente le coup mais à chaque fois échoue

Elle est plus qu’à deux doigts de baisser les bras, presqu’à bout

Quand au milieu de cet océan de désespoir infini

La voix d’un homme sorti de nulle part

Marin pêcheur de son état, elle l’apprendra plus tard

Du nom de Libouna Sélémani Matrafi

Elle entend la héler depuis un bateau

Et qui sans hésitation aucune se jette à l’eau

Car la naufragée n’arrive pas atteindre à la nage

La bouée de sauvetage que lui a lancé l’équipage

De plus l’hypothermie la fait trembler jusqu’aux os

Sa seule chance elle le sait se trouve hors de l’eau

Mue par son envie de vivre et le désir de voir sa mère

Comme à sa dernière planche de survie sur terre

De toutes ses forces elle s’accroche à son sauveteur volontaire

Résolue à quitter au plus vite cet enfer sur mer

D’une mort atroce et certaine son ange gardien l’éloigne

Au bout de quelques minutes de lutte contre la fureur océane

Dans des couvertures les secours emmitouflent la gamine

Afin de faire revenir à la normale sa température

Puis vers l’hôpital El-Maarouf filent à vive allure

Où une équipe médicale sous toutes les coutures l’examine

Le personnel soignant sa pudeur met à rude épreuve

Ainsi que sa timidité maladive et met tout en œuvre

Pour lui cacher coute que coute l’affreuse vérité

Même si le doute l’assaille depuis qu’on l’a repêchée

Avant qu’une psychologue ne vienne enfin lui révéler

Que de cette horrible catastrophe elle est seule rescapée

SAMU 974, Photo CTV News (AP Sayyid Azim)

SAMU 974, Photo CTV News (AP Sayyid Azim)

Miraculée, sauvée des eaux tel Moïse du Nil

Objet de curiosité morbide, de larmes de crocodiles

Le destin désormais la prive d’une vie privée

On scrute, on analyse ses moindres gestes et faits

Elle qui n’aspire qu’à la paix, à l’anonymat

La voilà au rang d’icône propulsée dans les médias

Un mot d’elle, un détail infime

Tous désirent connaître à tout prix

Un bout de son histoire comme d’une amulette

Aussi de bonne grâce aux interviews elle se prête

En mémoire de toutes les victimes

Par devoir sacré envers leurs familles

D’une voix claire et calme, souvent au bord des larmes

À cœur ouvert elle se livre et témoigne de son drame

De sa bonne étoile, des dédales de la machine judiciaire

Combien futiles sont nos peurs dans cette vie éphémère

Au fond de son cœur ni haine ni colère, elle remet au ciel

Sa soif de faire toute la lumière sur cet avion poubelle

Sa faim de vivre ses rêves, et au nom de tous les absents

Même si plus rien ne sera jamais comme avant

 

Bahia, sauvée des eaux

Une survivante revenue du pire

Pour nous dire de toujours garder foi en l’avenir

Bahia, sauvée des eaux

Une guerrière revenue de l’enfer

Pour nous enseigner à chérir ceux qui nous sont chers

 

À Bahia Bakari, revenue de l’enfer pour nous apprendre à ne jamais perdre espoir.

À Libouna Sélémani Matrafi pour avoir écrit l’espoir et le courage

À ceux qui luttent pour que jamais l'oubli n'efface la mémoire des 152 victimes du crash du vol Y626 de la compagnie Yéménia le 30 juin 2009

 

Mbaé Tahamida Soly, Juillet 2019

Libouna Sélémani Matrafi, Image TF1

Libouna Sélémani Matrafi, Image TF1

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Articles récents